Interview de Miyuki DEVILLARD: retour au Japon après 15 ans d’expatriation

Miyuki DEVILLARD est interviewée par CLaire-Lise BAE

Après 15 ans passés aux Etats-Unis, puis en France, Miyuki est de retour au Japon depuis un an avec son mari français et ses deux jeunes garçons de 2 et 4 ans. Elle travaille pour la société  BANDAI NAMCO Games (éditeur de jeux, jouets et jeux vidéo) depuis Septembre 2012, selon une formule qui lui permet de concilier maternité et travail.

Claire-Lise BAE : Miyuki, comment t’es venue l’envie d’aller voir ailleurs ?

Miyuki Devillard: Je suis partie étudier aux Etats Unis à l’âge de 18 ans. C’est en écoutant un camarade de classe raconter avec enthousiasme son année passée à l’étranger, plus précisément au Canada, que m’est venue l’envie d’aller voir plus loin que le Japon, comment cela se passait ailleurs. J’ai réussi à convaincre mon père (pas facile étant l’aînée de 3 filles), et quatre ans plus tard, j’étais diplômée d’un Bachelor of Sciences in Physics. J’ai commencé ma carrière aux USA, en tant qu’ingénieur commercial pour Fuji Films. C’est alors que j’ai rencontré mon mari, Français parti lui aussi étudier aux USA. Je l’ai suivi en France, où j’ai commencé à travailler pour la société Bandai.

C-L.B: Quel a été ton parcours professionnel en France ?

M.D.:J’ai travaillé pendant huit ans en France pour NAMCO BANDAI Games Europe. Avant de revenir au Japon il y a un an, j’étais Manager en charge de la coordination des plannings avant le lancement de nouveaux produits. Un poste très intéressant, au carrefour des équipes Marketing/Développement et des sociétés créatrices des plateformes pour nos produits telles que Sony avec sa playstation, Microsoft et sa Xbox…

De retour depuis un an au Japon, quelles sont tes impressions sur ton pays d’origine ? Les choses ont beaucoup changé en 15 ans ! Et puis, avant de partir, je n’avais jamais vécu à Tokyo, puisque je suis originaire d’Okayama, à côté d’Hiroshima. Vivre à Tokyo, c’est une première pour moi ! Bien sûr, je n’ai pas la barrière de la langue, donc je trouve que les choses sont plutôt faciles pour moi, d’autant plus qu’aujourd’hui, il y a internet, les SmartPhones, toute une technologie qui n’existait pas à mon départ.  Mais je reste ébahie devant la cherté de la vie quotidienne : légumes, fruits, viande, tout est très cher par rapport à mes références françaises. Sans parler du gaz, de l’eau… La première fois que j’ai reçu une facture d’électricité ici, j’ai cru qu’il y avait une erreur !

C-L.B: Etre une femme et une maman active au Japon, est-ce possible dans ton cas ?

M.D.:En théorie, oui. J’ai beaucoup de chance, car la société BANDAI NAMCO Games est plutôt progressiste et ouverte au travail des femmes mariées. Elle a mis en place le Flex-time, qui permet de moduler ses heures d’arrivée de et de départ dans la journée. Elle a même fondée une sorte de Centre aéré dans l’entreprise qui accueille  les enfants pendant les  vacances ; ils sont pris en charge dans la journée et peuvent déjeuner avec leur maman le midi… Dans mon cas, mon patron en France, un Japonais, a vraiment soutenu mon transfert et a fait tout ce qu’il pouvait pour me trouver un poste au Japon. Mon nouveau patron, Japonais lui aussi, m’a tout de suite proposé un poste de manager. L’accueil a toujours été très favorable et compréhensif. Mais même si on m’offrait un aménagement horaire avec des journées de 6 heures, il y a eu plusieurs obstacles qui ont fait que je n’ai pas accepté cette proposition.

C-L.B: Quels ont été ces obstacles ?

M.D.:La première raison est d’ordre privée : mes enfants sont encore petits, l’entreprise est distante d’une heure en métro, je ne voulais pas être si loin d’eux en cas de tremblement de terre d’autant que le lieu de travail de mon mari est aussi à plus d’une heure de la maison. Et puis, comme beaucoup de femmes japonaises, c’est le calcul économique qui m’a vraiment fait hésiter.

C-L.B:Q uels sont les ingrédients de ce calcul ?

M.D: D’une part,  il était très difficile voire impossible dans le quartier de Setagaya où j’habite de trouver une place en crèche publique (il y avait 600 noms sur la liste d’attente !) ; et le coût de garde en crèche privée remettait en question l’intérêt pour moi d’aller travailler.  Il n’y a pas d’aide comme en France, sous forme de déduction d’impôt pour frais de garde. D’autre part, la fiscalité japonaise fiscalité pénalise les foyers avec un double revenu (*).  Je crois que c’est en grande partie pour cette raison que même chez BANDAI NAMCO Games, la proportion de femmes employées est de 1 pour 2, mais chute à 1.3% pour ce qui est des femmes managers.

C-L.B: Qu’as-tu décidé de faire alors?

M.D: Je voulais néanmoins continuer à travailler. La solution a été le télé-travail : je passe 4 jours chez moi, et un jour avec les équipes au bureau. Je fais pour l’instant de la traduction. C’est pour l’instant un compromis idéal, car j’ai la flexibilité nécessaire pour organiser mon rythme de travail et parer à d’éventuels imprévus comme un enfant malade à emmener chez le docteur ! La journée passée dans l’entreprise me permet de participer aux réunions de projets, je garde ainsi un lien fort avec les produits et cela me permet de rencontrer mes collègues.

C.-L.B: Quels sont tes projets à terme ?

 M.D: Rentrer en France et reprendre une responsabilité managériale. Travailler est pour moi une source d’épanouissement intellectuel et d’indépendance financière. De nombreuses femmes japonaises souhaitent travailler, mais le cadre fiscal est souvent le verrou qui fait pencher la balance une fois les enfants nés.

(* NDLR : L’homme qui travaille et dont la femme gagne moins de 1.03 millions de yens par an bénéficie d’une déduction fiscale de 710.000 Yens par an sur son impôt sur le revenu et sur la taxe de résidence. Dès que le second membre du couple gagne plus de 1 030 000 yens par an, ces déductions s’amenuisent, pour disparaître complètement au-delà du seuil de 1.410.000 yens par an. Un système qui pousse insidieusement les femmes à limiter leurs heures de travail, voire à ne pas travailler du tout, surtout pour les mères de jeunes enfants. Pour en savoir plus, lire cet article du Japan Times sur la question : http://www.japantimes.co.jp/news/2011/12/06/reference/tax-pension-breaks-called-favoritism-for-homemakers/#.UZH3HbUqx8E)

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